GOOSEBUMPS. (mine(e)ho)

il a appelé la pizzeria un peu plus tôt pour signal un mal de tête insupportable, une impossibilité à monter sur son scooter pour servir des pizzas alléchantes. le patron lui a fait la moral, mais bebe a répondu vivement que si le patron tenait à garder ses revenus au même niveau, faire travailler bebe aujourd'hui n'allait les faire baisser. impossible de bosser sous une chaleur étouffante, une flemme digne de ce nom pour parcourir la ville avec des pizzas sur son dos, mais aussi parce que le roumain avait vraiment mal de tête. il a prévenu les colocataires. je serai là l'après-midi, je reprends ce soir. faut pas déconner non plus, c'est pas charité free à la pizzeria. mais bebe, en disant qu'il serait là, il a surtout voulu dire qu'il serait dehors, mais pas entrain de travailler. là en cas d'urgence, là si on a besoin de lui. mais autant vous dire qu'ils n'avaient jamais vraiment besoin de la plante verte qu'était bebe. là juste pour user de ses yeux dans des situations désastreuses, il n'apportait son aide qu'en cas de réel danger ou situation critique. pendant les grands débats, bebe n'était pas aux aguets. non, plongé dans ses pensés et sur le banc de touche, à son plein gré. il parle pas beaucoup, pas quand il n'est pas d'humeur. et il est souvent pas d'humeur. bebe, fin d'après-midi, il reprend dans quelques heures, quand la pizzeria rouvrira, aux alentours de dix-huit heures. son téléphone à la vitre brisée montre seize heures, il enfile sa veste et affronte l'air chaud de dehors. il étouffe. il aime pas ça. la chaleur, l'impression d'être enfermé dans une salle, pas libre de ses pensées, de ses mouvements. garçon de glace, aime s'imaginer entrain de planter les stalactite dans les yeux des gens, ceux qu'il n'aime pas, beaucoup de monde. aime s'imaginer régner un royaume de glace et tromper son royaume avec une brise chaude, de temps à autres. parce que bebe ne se décide pas. bebe est un indécis perpétuel. porte d'un café calme qui se referme sur ses traits, éclairages plus éclairants que ceux de d'habitude. là pour perdre son temps, mais pas d'alcool. sa tête dit non, mais son patron aussi. pas avant le service. règle absurde qu'il s'obstine quand même à suivre. direction vers le bar, corps qui crée un courant derrière lui qui a la puissance de faire tomber ces feuilles sur le sol sale. bebe qui se retourne, perturbé de ces mouvements denses dans l'air. il voit le jeune homme se relever mais le devance en attrapant les feuilles qu'il a fait tomber, des calculs simples jusqu'aux mots écrits en prenant soin de ne pas dépasser les lignes. excuse-moi. il les lui tend. ça n'a aucun sens. ça a l'air de nécessiter beaucoup de concentration. bebe qui blague. vraiment. l'ironie. bebe, ce mal de tête te retourne-t-il le cerveau? bebe, l'indécis, bebe, indécis sur ce qu'il est vraiment.

« reste avec moi. » la gosse qui le regarde, les yeux qui s'embuent de larmes. ça a le don de le détruire à chaque fois, il s'en veut de devoir la laisser parce qu'il doit absolument faire en sorte qu'elle se sociabilise un minimum. ce centre est fait pour qu'elle se divertisse, une sorte de garderie du soir où elle est censé retrouver ses amis, discuter de choses qu'on doit tant avoir besoin à dire quand on a cinq ans. « sofia, tu sais que c'est pour ton bien. » c'qui est drôle, c'est que même quand papa et maman étaient encore vivants, elle était exactement pareil. mais elle était plus jeune, et elle disait ça a chaque fois que minho était sur le point de quitter le domicile familial pour rentrer chez lui. ça a toujours été lui, le parent. mais il est à la fois grand frère, tuteur légal, et instituteur. ça commence à faire beaucoup. minho caresse la joue de sa princesse, ne supporte pas de voir les larmes dans ses pupilles, les mains tremblantes d'une gamine. « je reviens ce soir, c'est promis. on ira même manger une glace. » le chantage, c'est vraiment le dernier recours qu'il est obligé d'utiliser. et si ça ne suffit pas, tant pis, il annule ses projets pour qu'elle reparte avec lui. parce qu'il est faible, il l'est toujours quand ça parle d'elle. mais visiblement, ça fonctionne. elle relâche sa nuque, elle le laisse faire quand il embrasse son front et elle se décide elle-même à se retourner pour retourner dans cette grande cours, pour jouer avec les autres enfants de son âge. et ça lui brise le coeur.
des feuilles dans la main, loin d'être intelligent pour les fourrer dans sa sacoche. l'excuse qu'elle est pleine est... complètement... ouais, elle est vraie. il a pas d'place, a voulu faire le malin c'matin en foutant un mini exercice à ses élèves pour voir si les bases des mathématiques sont comprises, les bases des lettres de l'alphabet le sont aussi. mais y'a sofia dans sa tête, elle le quitte pas, et il arrive pas à s'concentrer. il est vraiment en train de réfléchir, de s'empêcher de ne pas faire demi-tour. mais on l'en empêche. le coup est violent, il le fait sursauter alors que certaines des feuilles commencent déjà à s'envoler. il a pas l'réflexe, et heureusement que le type arrive, lui, à l'avoir. « c'est moi. » il dit, il murmure, presque apeurer d'aborder un inconnu. mais sa phrase le fait rire, ça le détend d'un coup, comme s'il était certain d'pas se faire manger. « ouais, ça va, ça se corrige vite pour des élèves de cinq ans. » ça d'vrait pas être compliquer, moins d'une heure, tout dépend de s'il commence aussi les bulletins de fin d'année. « j'suis vraiment désolé, je regardais pas où j'allais. rien de mal ? » minho, toujours à penser aux autres, en oubliant déjà la douleur dans l'torse, ne faisant pas attention d'un probable hématome qui risque d'se former à tout moment.