et je meurs.

maison avec jardin. grande colocation. des élèves de ta promotion. et toi, présentes, en perdition. fêter la vie, ensemble. profiter du temps, en chantant. en dansant. et en buvant. mais toi, ce soir, tu ne parviens pas à sourire. l'ivresse mélancolique. la tristesse. la douleur. assise dans l'herbe. tu écoutes. tu écoutes les âmes qui parlent. mais tu n'interviens pas. des larmes dans le coin des paupières. alors tu te décides. tu sors ton tabac, roules un joint. l'herbe est forte. c'est volontaire. ce soir, sans que tu ne parviennes à déterminer pourquoi, tu ressens le besoin de te faire du mal. tu sais, tu le sais. que c'est une multitudes d'émotions qui te poussent à agir de la sorte. mais tu ignores pourquoi maintenant, et pourquoi de cette manière. ta langue qui glisse sur la feuille que tu roules. ton briquet qui s'enflamme pour te permettre d'apaiser l'océan de tes pensées. tu tires, tu souffles. et tu tires, tu souffles. encore. sans proposer ton bien aux autres. tu n'en as pas envie. ta vision floue. tes sens perturbés. tu attrapes ton téléphone. ton buste qui tombe sur le sol, ton dos dans l'herbe. tes yeux qui parcourent le ciel. ou du moins, ce que tu parviens à percevoir. la pollution masque la beauté de l'univers. et cette énième pensée te bouleverse également. la tête qui tourne, le ventre serré. des nausées. tu aimerais pouvoir respirer correctement, mais un poids bloque ta cage thoracique. fatiguée, ta main libre vient attraper ton téléphone. dans la poche de ta jupe. et la première chose que tu fais, sans réfléchir. c'est envoyer un message à søren. tu lui fais parvenir tes coordonnées gps. vous fassiez ça, avant. afin de vous retrouver plus rapidement. ça a toujours été plus explicite qu'un message. mais cette fois, tu te sens d'associer ta localisation avec plusieurs mots.

Code:

viens, s'il-te-plaît. j'ai besoin de toi søren.

et doucement, tu sombres. tu as mal à la tête. l'herbe est trop forte, autant que la musique qui frappe ton crâne. tu as envie de vomir, autant que de pleurer. t'as soif, t'as faim, mais tu n'as envie de rien. t'as peur. tu frissonnes. tu te sens seule, malgré le monde qui t'entoure. tu as besoin que d'une seule chose, de lui. et ce soir, tu abdiques. parce que tu ne peux plus faire semblant. et que l'ivresse a décidé d'emporter le combat contre ta raison, la réduisant au silence. ton coeur parle.

un schéma qui se reproduit tous les soirs, surement depuis trop longtemps. claquette, chaussettes, fumette, manette. dans la pénombre de l'appartement, les volutes de fumée viennent danser au plafond. ses colocs sont de l'autre côté du couloir. marco a esquivé la soirée en prétendant un mal de tête, la fatigue du boulot. la vérité c'est la flemme tout simplement. marco il a besoin de vacances, il aimerait bien sortir de san francisco et voir autre chose. ici il a l'impression de tourner en rond, ses journées se calquent les unes sur les autres. marco baille. ses yeux sont fatigués par la lumière artificiel de l'écran, c'est toutes les heures de sommeil manquées qui le rattrapent. son téléphone vibre dans sa poche. ça doit être ismaël qui lui demande pourquoi il est pas venu ce soir. marco met le jeu sur pause et sors le gsm. il fronce les sourcils. c'est ena. son coeur rate un battement. mais il est beaucoup trop tôt pour que ça soit vraiment elle. d'ordinaire les drunks texto arrivent plus tard, presque au petit matin. y'a la nostalgie qui lui file un pincement au cœur quand il voit des coordonnées gps sur le message. c'est leur adulescence à copenhague qui revient mettre une gifle à marco. il se redresse sur son canapé et scroll sur l'écran. il lit le message. 3 fois. puis il se relaisse tomber dans le sofa, les yeux rivés dessus. marco se dit que c'est une blague. que c'est un piège et qu'en vérité c'est son nouveau copain qui va lui casser la gueule. mais ena a tellement d'emprise sur lui. ça pourrait être le plus évident des guet-apens, marco courrait à coeur perdue vers elle. faut qu'il bouge, il tiendra pas ici. il se lève, enfile une paire de basket et un sweat propre gentiment lavé par mad qu'il bénit une fois de plus. marco attrape les clés de voiture dans le fond de son sac qui traine dans le hall, et s'échappe de son appartement sans prendre le temps de fermer la porte. il dévale les escaliers, se fait mille films dans sa tête. et au fur et à mesure que des scénarios s'inventent, il accélère le pas. l'herbe canalise sa panique naissante.
au volant, marco roule trop vite, regarde trop son téléphone. il essaye mille fois d'appeler ena mais il se heurte à la messagerie à chaque nouvel essai. il soupire, frotte ses yeux fatigués, vérifie son écran toutes les cinq secondes à la recherche d'un signe. silence radio. nerveux, il mord ses lèvres tout le long du trajet. une grande maison se profile. marco se gare. y'a des gens sur le trottoir qui titubent en chantant. il essaye encore d'appeler ena. pas de réponses. marco marmonne en danois, parce que ça le saoule, ça le stresse, ça le tend, ça le panique, tout en même temps. il rentre dans la maison, slalome entre les corps à la recherche d'ena. il finit par ressortir sur le jardin, persuadé qu'elle s'est foutu de sa gueule. marco veut faire demi tour, abandonner ce délire et tous les scénarios qu'il a monté dans sa tête. mais il remarque une silhouette solitaire dans l'herbe. et en une fraction de seconde il la reconnais. il presse le pas et s'approche de cette ombre silencieux. ena ? ena ça va ? bien sur que non ça ne va pas. marco s'agenouille et tente de capter le regard de sa brune. elle a les yeux vitreux, fuyants, des larmes qui perlent au coin des paupières et son teint est pâle, livide. ena, ena qu'est ce qui t'arrives ? qu'est ce que t'as pris ? et, oubliée depuis presque un an, la tendresse revient comme si elle n'avait jamais cessé d'exister. marco passe sa main sur la joue d'ena. ses doigts viennent glisser dans ses cheveux, il dégage une mèche de son visage. perdu entre le passé, le présent, l'amour, l'inquiétude, la haine, marco a l'impression que le temps s'est arrêté autour de lui. son autre main est venu caressé la cuisse de la brune. par reflex. des automatismes si bien encrés, pourtant si longtemps ignoré. garder ses distances était devenu une priorité.

ses crampes dans ton estomac. ta tourne qui tourne. la faiblesse de tes membres. allongée sur le sol, tu maintiens ton visage hors du torrent de tes pensées discontinues. tu as mal, tu ne sais pas pourquoi. l'herbe que tu continues de fumer ne pas être bonne. tu te fais avoir. tu te fais souvent avoir, à cause de cette confiance que tu accordes à tous. sans te questionner, rarement. tu pleures, un peu. tes paupières closes, qui se rouvrent par moment, pour capturer l'éclat du soleil couchant. tu as soif, tu as faim. encore. mais tu ne parviens pas à bouger. vide, tu es vide. et tu sombres, doucement. tu t'endors. épuisée de lutter contre la noirceur de ton âme qui s'éveille soudainement, sans s'être annoncée au préalable. ena ? ena ça va ? une voix, sa voix. tes paupières qui se rouvrent. mais tes yeux qui ne parviennent pas à le capturer. tu divagues, en perdition. ena, ena qu'est ce qui t'arrives ? qu'est ce que t'as pris ? l'inquiétude, l'amour. la douceur de ses gestes, contre sa peau. ses doigts qui te touchent. et ton coeur qui abdique instantanément, fatigué de lutter. ton buste qui roule sur le côté, pour te rapprocher de son corps. ton bras qui glisse autour du sien. tu l'attrapes. tes paupières qui se referment. d'habitude, c'est toi. toi qui le soulèves, et qui l'emmène, ailleurs. loin des autres, loin de lui-même. toi qui le protèges de ses démons. aujourd'hui, vos rôles s'inversent. et tu ne réfléchis pas, tu ne réfléchis plus. tu as besoin de lui, c'est une nécessité. tu ne peux pas faire semblant, jouer un rôle. søren tu murmures. merci. merci d'être présent, et d'être venu. tes doigts qui relâchent ce joint que tu n'aurais pas dû fumer. ton esprit qui se rappelle des verres que tu as bu. ce mélange, mêlé à ta fatigue. c'est trop. trop pour toi. emmènes-moi loin. tu souffles, presque épuisée d'énoncer ces quelques mots. tes doigts qui se resserrent contre son poignet. c'est faible. et tes paupières que tu refermes, tes sourcils qui se froncent. la douleur qui frappe ton crâne. cette envie persistante de vomir. ce manège incessant dans ton esprit qui te donne le vertige. saloperie. même couchée au sol, tu as la désagréable sensation de perdre ton esprit. de sombrer. ne me lâches pas, j'ai mal. tu ajoutes, te recroquevillant davantage. tes genoux contre ton ventre. tu aimerais être ailleurs, loin. pouvoir respirer, avec intensité. søren, marco. aides-moi. oublies-moi.