FEEL GOOD INC / gavin

comme un enfant terrible, il lui suffit d’un rien pour retomber en enfance joseph. quand il faut casser la glace, gratter le vernis en surface. il est pas tant intéressé de savoir en quoi son frère est différent de celui qu’il pensait connaître. il en a pas parlé avec lui, pas depuis qu’il a fondu en larmes à cause de son coming out. il était pas spécialement triste joseph, il était tellement surpris qu’il a éclaté de rire. ça faisait tellement sitcom comme annonce qu’il manquait un bruit de fond. un rire franc qu’il aurait voulu communicatif. pour le courage, juste pour le courage d’oser dire non. de savoir où il va et avec qui. même si, c’est foutrement d’la merde. il est déjà au courant - mais c’est pas une des mauvaises blagues qu’il lui fait. un de ses mauvais tours dont il commence à prendre l'habitude. c’est vrai. pas une blague. ou alors, c’était peut-être un pari ? il peut pas trop y croire joseph, que son modèle soit pas conforme. qu’il soit un peu bancal, un peu de biais. ça sort de nulle part, c’est pas logique. comment il aurait fait pour passer à côté joseph ? c’était lui qui jouait la popstar dans le salon entre les pubs télé ou à l’église. c’était même pas un peu logique. mais il s’en fiche, dans l’fond - il arrêtera jamais, joseph, de l’emmerder. d’le réveiller en pleine nuit pour lui raconter une blague de cul. il allait élargir son répertoire c’est tout.
c’est difficile d’le prendre à défaut gavin. il a pris le mauvais pli. c’est comme s’il s’était incorporé un détecteur à conneries dans l'corps. alors il force le trait joseph, le sourire tiraillé dans un coin. il sirote son jus de litchi comme un new yorkais. et surtout il attend, patiemment, de voir sa silhouette pressée apparaître sur le parking d’en face.

tu fixes une nouvelle fois ton téléphone, avisant la réponse de joseph. tu fronces un peu les sourcils. sérieusement ? t'en sais rien, si c'est encore une de ses conneries ou si ton frangin, il s'est vraiment foutu dans la merde. un long soupir s'échappe de tes lèvres et tu avises ton agenda. t'as pas de rendez-vous cette après-midi. tu attrapes tes affaires à la volée et tu passes faire un crochet par le bureau de daniel pour le prévenir que tu t'éclipses. tu glisses ta paire de lunettes de soleil sur ton nez et tu secoues un peu la tête en grimpant dans ta voiture. putain, si ton cadet se fout de toi ... tu sais pas, t'en sais rien. t'as jamais été trop capable de lui en vouloir de toute manière. tu l'aimes trop ton frangin. tous. parce que la famille, c'est important, c'est tout. tu fermes les yeux un instant avant de démarrer, et de te diriger vers le commissariat. tes doigts pianotent contre le volant, tandis que tu te gares un peu plus loin dans la rue, pour faire le reste du trajet à pied. tu avises ton téléphone. pas d'autres sms en vue. tu remontes les quelques mètres jusqu'au bâtiment, ton regard voyageant partout et nul part à la fois. un pressentiment comme un autre. tu fronces un peu les sourcils, en découvrant la silhouette de joseph; installé sur starbucks d'en face. tu lèves les yeux au ciel. ça lui ferait les pieds que tu te barres sans donner de nouvelles. mais bon, maintenant que t'es là ... tu bois toujours tes trucs chelous là ? tu demandes comme simple salutation, attrapant son gobelet pour venir boire une gorgée de ... tu sais pas trop en fait. une moue se dessine sur tes lèvres et tu viens t'installer en face du brun. t'es au courant que j'ai un job sinon ? tu souffles, à moitié blasé. un job et un tas de dossiers qui s'empilent sur ton bureau. tu l'sentais que c'était encore des conneries, mais t'es venu quand-même. comme quoi. t'es pas censé être en cours à cette heure ? tu demandes comme ultime provocation, tandis qu'un sourire se dessine sur le coin de tes lèvres.

il pourrait pas avoir un sourire plus triomphant que maintenant joseph. à l’approche de l’homme pressé. l’homme à l’agenda le plus bloqué de san francisco. avec toutes ces responsabilités qu’il pourrait jamais encadrer joseph. il passera définitivement jamais cet examen. voler au secours de la veuve et l’orphelin c’est bien mais c’est pas pour lui. il a pas le sens aussi aiguisé de la justice que son père et son frère. c’est comme ça, il préfère être un nul. rester insouciant et crétin. il jette un coup d’œil à ses lunettes de soleil tandis qu’il se sert, comme chez lui, dans son gobelet. putain, faut toujours qu’il prenne ses affaires. c’est maladif ça! déjà qu’il devait récupérer ses fringues quand il était petit joseph. que maman lui répétait qu’il faisait la même taille et que c’était très bien, et qu’il râlait dans ses dents en jurant qu’il aurait de nouvelles baskets à la rentrée. bah je t’en prie. j’ai pas envie d'attraper ton homosexualité moi. il sourit de toutes ses dents, évidemment qu’il se fout encore un peu d’sa gueule à cause de son coming out- raté ? pas qu’il soit mauvais mais, l’image repasse un peu en boucle depuis. et plus elle repasse, plus il s’dit qu’il aurait dû faire cette blague avant gavin. c’est au litchi, déjà. - s’tu veux j’te commande un truc à la goyave. une vraie tuerie l’truc. et c’est surtout bio mais il s’retient d’enquiquiner son monde avec ces croyances à la con qui font le bonheur des chaînes télé de quatorze à quinze. son regard se pose de nouveau sur gavin, il est content qu’il soit là, même s’il râle un peu. faut toujours qu’il fasse semblant d’se débattre comme un poisson dans l’eau. sûrement qu’il aime pas perdre, ce qui doit sûrement faire de lui un très bon avocat. t’as déjà tes lunettes de soleil sur le pif gavin. de quel boulot tu parles ? il se tasse sur sa chaise joseph, détaille brièvement son aîné qu’il a pas revu depuis quelques temps déjà. heureusement qu’il est là pour remettre les compteurs à zéro de temps en temps. pas pour ramasser le poignard de la suspicion qu’il lui balance au-dessus d’la tête mine de rien. et joseph reste très calme, sirote un peu plus sa boisson à la paille. non, j’ai retapé mais j’ai quand même validé quelques trucs merci pour moi. il fait semblant d’être offusqué, d’être ni trop bon ni trop mauvais. d’être normal, moyen à ses yeux.

tu rejoins joseph, tranquillement attablé à une table en face du commissariat. évidemment. il changera sans doute jamais ton frangin. tu soupires longuement en traversant la rue et, arrivé à sa hauteur, tu viens plonger tes lèvres dans sa boisson, fronçant un peu les sourcils. bah je t’en prie. j’ai pas envie d'attraper ton homosexualité moi. tu lèves les yeux au ciel, un sourire au coin des lèvres. tu sais très bien qu'il dit ça pour te faire chier plus qu'autre chose, même si c'est encore un peu étrange entre ton frangin et toi depuis cette annonce. ça va j'ai pas craché dedans non plus. tu souffles en reposant le verre et en venant t'asseoir face à joseph. c’est au litchi, déjà. - s’tu veux j’te commande un truc à la goyave. une vraie tuerie l’truc. tu fronces un peu les sourcils face à ses fruits exotiques. commande-moi un café si tu veux me faire plaisir. tu siffles en haussant un peu les épaules, râlant un peu, de nouveau, parce que ton cadet t'a dérangé en plein travail. t'as trop de dossiers en ce moment, pas vraiment le temps d'en perdre, du temps. t’as déjà tes lunettes de soleil sur le pif gavin. de quel boulot tu parles ? un léger rire t'échappe et tu hausses vaguement les épaules, glissant tes doigts contre ton visage. je tiens pas à devenir aveugle en conduisant. tu souffles simplement. t'as les yeux bleus, bien trop sensibles au soleil, dé les premiers rayons. non, j’ai retapé mais j’ai quand même validé quelques trucs merci pour moi. tu hoches vaguement la tête et tu te mords l'intérieur de la joue, soupirant un peu face au brun. les études de droit, c'est pas le truc le plus simple non plus. puis tu vois bien que ça a plus trop l'air de l'intéresser, ton frangin. tu l'observes quelques instants. tu sais que j'peux toujours te donner un coup de main, mm ? tu demandes en haussant les épaules. tu t'adosses dans ta chaise et tu retiens un soupir. sinon comment ça va ? tu demandes finalement en retirant tes lunettes pour les poser sur la table, soupirant un peu. autant profiter de ses quelques minutes de calme, avant que tu ne doives retourner bosser.